Entretien avec Lorenzo pour son webcomics "La Ma-hias"
Salut lorenzo ! Mecredi 16, tu vas lancer ton propre web-comics, intitulé "La Ma-hias". Avant de revenir sur ce nouveau projet, peux-tu nous faire une présentation de toi et de ton parcours dans la BD.
Et bien en somme tout, le parcours classique du dessinateur de BD.
Pas mal d’années de fanzine. Un passage aux beaux-arts de Paris. Mon premier album Tous les matelots n’aiment pas l’eau est sorti en 2006 chez 13 étrange, suivi de 2 albums chez Carabas, Bredouille et Eddy et les robots. Cette année, j’ai commis 4 numéros de Dotanuki chez Akai (même si trois seulement sont parus).
Ah oui, je suis aussi prof de BD.
Lorsqu’on te connaît, on est vite impressionné par ton rendement car entre tes projets, tes albums édités et maintenant, ton web-comics, tu n’arrêtes jamais ! D’où te viennent toutes ces idées et surtout comment fais-tu pour tenir le rythme ?
Je bois du café ! Beaucoup, mais alors beaucoup de café.
Et plus sérieusement, j’ai une discipline de Jésuite. Je travaille à peu près 10 heures tous les jours.
J’essaie d’être une éponge. Tout m’influence. Mes lectures, ce que je vois, ce que j’écoute, mes voyages. Au final, tout cela ce mélange et ressort sous une forme ou sous une autre.
Et surtout, j’ai envie de tout faire, de tout tester. Je ne crois pas avoir de limites. Et entre nous, si je ne dessine pas de planches, je m’ennuie.
Comme j’ai pu le lire sur une critique de « Dotanuki » (Akai), est-ce que cette forte production n’est pas un risque pour la qualité de ton travail ? Personnellement, j’aurai tendance à dire que plus on travaille, plus on s’améliore. Qu’en penses-tu ?
Le temps passé sur une planche, c’est très relatif. Dessiner une page en 3 heures ne veut pas dire que l’on y n’a pas pensé durant une semaine.
Pour moi, c’est un mode de fonctionnement. Ce qui m’importe c’est l’histoire, la mise en scène. Je préfère que le lecteur passe 30 secondes sur une planche parce qu’il est pris par le rythme du récit, plutôt qu’il détaille chaque case en oubliant que la BD, ça se lit.
Finalement, je suis très old school.
Cela nous amène donc à parler de ton nouveau projet, le lancement de « La Ma-hias », ton premier webcomics. Peux-tu nous faire un résumé de ce que les internautes pourront lire dès ce mercredi ?
La Ma-hias, c’est un Pulp, du Carpenter en BD. En tout cas, c’est comme ça que je l’ai conçu. Je suis un grand fan de Pulp, mon écrivain fétiche reste encore Robert E. Howard.
L’histoire en quelques mots :
Le climat a brutalement changé, les régions jadis tempérées brûlent sous le soleil, tandis que les pays chauds sont en proie à un hiver sans fin. Les nations se sont écroulées, et les hommes vivent regroupés dans des villages fortifiés.
Membre de la toute-puissante Ma-hias, la guilde des voleurs, Cassiano Bellagamba trafique des échantillons génétiques et des organes que les puissants lui achètent à prix d'or, espérerant prolonger leur vie.
Un jour, La Ma-hias a vent d’une légende à propos d’une cité nommée El Idilio, perdue dans les forêts enneigées de ce qui fut autrefois le Mexique. Ses habitants, les Nantis, vivraient plus de 2000 ans. Bellagamba en est certain, s'il peut voler leurs codes génétiques, sa fortune est faite. Ce que lui et La Ma-hias ignorent c'est que son intervention va précipiter la chute d'un empire.
Bon, en fait c’est en plus que « quelques mots »...
Ecologie, génétique, en gros des sujets qui sont souvent d’actualité et qui, s’ils sont bien mélangés risque de faire une histoire intéressante. « La Ma-hias » est un projet que tu muris depuis longtemps ?
Cette histoire est née à la suite d’un voyage au Mexique en octobre dernier.
Je ne suis pas militant, ni affilié à quoique ce soit, mais ce que j’ai vu là-bas m’a troublé. Les ravages sur l’écosystème, ce que notre génération a déjà perdu, et le monde dont vont hériter les prochaines. Bien sûr, je ne suis pas naïf, l’écologie est pour le moment un combat de pays riche. Mais n’est-il pas aujourd’hui le seul vrai combat social ?
La question qui m’obsède est de savoir où va aller l’humanité lorsque la civilisation telle que nous l’avons crée va s’écrouler. Que feront les hommes pour survivre ? Jusqu’où serons-nous près à aller ?
Bref, toutes ces interrogations ce sont mélangées dans les méandres de ma cervelle et ça a donné La Ma-hias.
Bon, ça reste quand même une BD de divertissement.
Ton histoire se situe en Amérique latine, et on reconnaît nettement des édifices mayas (temples etc…). Le titre « Ma-hias » vient-il de là, ou bien a-t’il une tout autre signification ?
C’est vrai que La Ma-hias, ça sonne un peu Maya.
Mais en fait, c’est un mot arabe qui signifie « arrogance », je crois. C’est surtout l’une des origines du terme « Mafia ». Je trouvais amusant que le titre définisse à la fois l’organisation et Cassiano Bellagamba, le héros.
Un mélange de culture en quelque sorte ?
Ouais. Et c’est quelque chose qui m’intéresse, et qui a toujours existé dans l’histoire des hommes et bien sûr des arts.
Une planche par semaine, c’est là ton pari ?
C’est un pari calculé. J’ai pas mal d’avance.
Lorsque tu as écrit le scénario, tu pensais déjà à cette idée d’internet ?
Je pensais en termes de feuilleton, et internet permet ce type de publication.
Le fait de publier son album sur internet t’oblige t’il à travailler d’une manière différente, par exemple, sur le découpage de tes planches ou autres ?
Bien sûr. Je pense en au défilement de l’écran, au rendu de mes couleurs. Elles sont plus « justes » par rapport à mes envies, ne subissant pas les pertes de la reproduction sur papier.
Au final, j’ai moins de surprise.
Es-tu aussi impliqué dans ce projet que lorsque tu travailles pour un éditeur ?
Evidemment. Il n’y a aucune différence. L’idée est de faire une bonne BD.
Tu précises que tu n’as jamais présenté « La Ma-hias » à des éditeurs. Y’a-t’il une raison à cela ? Et si ce n’est pas pour être éditer, pourquoi cette démarche de web-comics ?
Mais pour la liberté. Pour faire cette série comme je l’entends de A à Z.
Internet est en train de changer la donne. Les éditeurs n’ont plus le monopole de l’édition. Aujourd’hui, les auteurs ont les moyens techniques de reprendre en main la création. Il faut que les dessinateurs passent de l’erre du « je fais 3 pages pour un projet » à celle du « je fais de la BD ».
À mon sens, les auteurs y gagneront, et du coup, c’est le public qui y gagnera.
Je pense que tu as déjà programmé le déroulement et la finalité de « La Ma-hias » ? Peux-tu nous en dire plus ?
Le premier tome, El Idilio est un 96 page couleur. Je suis en train d’écrire le second tome. Tout ce que je peux dire à l’heure actuelle, c’est qu’il se passera en Afrique. L’idée de dessiner une Afrique de SF me branche pas mal.
Je conçois La Ma-hias comme une série au long cours. Tant que je m’amuse, tant que j’ai des idées, je continue.
Hormis « La Ma-hias », tu as d’autres projets en cours ?
Pas mal de choses.
Je travaille sur un nouvel opus d’Arthemus intitulé Le naufragé du Vaken-Vaki. Je suis sur un projet SF avec Ronan Le Breton.
Je collabore à 30 jours de BD, et bientôt à Black Mamba.
Je fais un album Chez Carabas intitulé Bantou.
Ah ! Je bosse aussi sur un album BD jeunesse.
La petite interview touche à sa fin. Merci Lorenzo d’avoir répondu à ces quelques questions, et surtout, on se dit à mercredi pour les débuts de « La Ma-hias ». Nous en tout cas, on y sera !
Merci du coup de main Mo’, je suis très touché.
La bière est pour moi dès que j’ai le plaisir de te voir.